Le théâtre Off
Cet article retrace les cheminements transatlantiques de la notion de "théâtre off" des années 1940 à...
Le théâtre communautaire argentin s'inscrit dans un vaste ensemble de pratiques qui, à travers le monde, entendent développer des manières de faire du théâtre au sein d'une communauté donnée par et pour les membres de cette communauté. À la différence du théâtre dit populaire, ou même du théâtre de l'opprimé, la caractéristique fondamentale de ces formes théâtrales communautaires est l'implication directe et régulière de la population, tant sur le plan artistique qu'organisationnel. Dans ce domaine, l’Argentine est devenue aujourd'hui une référence incontournable. Le théâtre communautaire argentin compte une soixantaine de groupes, actifs pour certains depuis plusieurs dizaines d’années, avec un niveau de structuration élevé qui leur donne une visibilité notable à l'échelle nationale comme internationale. Réunis dans le Réseau national du Théâtre Communautaire (Red Nacional de Teatro Comunitario), ces groupes sont insérés dans différents réseaux latino-américains et ont également de nombreux contacts intercontinentaux, bien que ces liens soient inégaux selon les collectifs et les individus.
Divers, le mouvement argentin se distingue par une certaine vision partagée de la pratique théâtrale communautaire. Celle-ci est soutenue par une forte autoréflexivité et par un niveau de conceptualisation rigoureux, relayée par un corpus de publications produit par les praticiens et praticiennes eux-mêmes (au travers d'ouvrages théoriques et de monographies sur les groupes, de livres illustrés, d'albums photos, de documentaires filmiques, de disques de musique) et enrichie par le travail de plusieurs chercheurs et chercheuses. Cet effort de synthèse accompagne une volonté de diffusion, ainsi qu'une quête de reconnaissance et de valorisation, révélatrices d'une motivation militante.
Cet article présente d’abord le mouvement du théâtre communautaire argentin et son insertion dans des réseaux nationaux et transnationaux à l’échelle latino-américaine. Il propose ensuite de suivre la trajectoire internationale d'un directeur et d'une directrice de groupes, Adhemar Bianchi et Edith Scher, afin de donner à voir, dans le détail, comment se tissent les liens entre les personnes, les collectifs et les institutions. Enfin, il propose un focus sur l’Espagne, qui entretient un rapport étroit avec l’Argentine du fait de la proximité culturelle et linguistique ainsi que d'une histoire migratoire partagée, et sur la manière dont le théâtre communautaire s’y est développé en s’inspirant du modèle argentin.
En plus de nous appuyer sur la littérature existante et sur nos propres études de terrain, nous avons, pour rédiger cet article, réalisé des entretiens et distribué en 2019 un questionnaire à une trentaine d'artistes et militants latino-américains et européens reconnus pour leur pratique du théâtre communautaire en Argentine, mais aussi en Bolivie, en Colombie, au Costa Rica, en Espagne, au Mexique, au Pérou, au Portugal et au Salvador. Dix-huit nous ont répondu : qu'ils et elles en soient chaleureusement remerciés ici1.
Cvest en 1983, alors que lvArgentine est encore sous la dictature militaire, qu’Adhemar Bianchi, artiste uruguayen émigré à Buenos Aires, fonde, autour d'une association de parents d'élèves dans le quartier populaire de La Boca, le groupe Catalinas Sur. Celui-ci devient le premier théâtre communautaire argentin et compte aujourd'hui plus de 300 participants. Une décennie plus tard, en 1996, un deuxième groupe est créé, le Circuito Cultural Barracas. Il est fondé par Ricardo Talento et d'autres artistes issus du collectif théâtral militant Las Calandracas, qui pratiquait déjà depuis la fin des années 1980 le théâtre forum (méthode issue du théâtre de l'opprimé d'Augusto Boal) et intervenait dans différentes institutions. Dans le contexte de mutation néo-libérale de l'Argentine, le Circuito s'enracine dans un quartier qui subit de plein fouet le déclassement, la relégation sociale et la paupérisation d'une grande partie des classes moyennes. Cette imbrication entre les évolutions socio-économiques et le développement des pratiques théâtrales communautaires explique sans doute que le mouvement s'intensifie à partir de la crise économique et politique de 2001, avec la floraison d'une multitude de groupes à Buenos Aires et dans les provinces argentines.
Ces groupes sont souvent créés à l’initiative d'artistes qui, ayant une formation théâtrale professionnelle et une expérience militante, ont renoncé au projet d'une carrière plus classique pour ancrer leur vie, leur pratique et leur groupe sur un territoire particulier. Car l’une des singularités argentines est la durabilité de l'expérience communautaire qui repose sur l'implantation au long cours dans un village ou un quartier. L’objectif est de recréer un sentiment de communauté, c’est-à-dire une sensation de fierté collective et une forme de cohésion sociale, solidaire et identitaire, dans des espaces en proie à la relégation ou au repli sur soi. Les groupes argentins sont donc à la fois des troupes de théâtre et des organisations de quartier qui ont vocation à servir d’espace d'appartenance et de participation à l'échelle locale. Aussi leurs membres se considèrent-ils comme des vecinos-actores, des « voisins-acteurs » ou des « habitants-acteurs » (selon les différentes acceptions du terme vecino en espagnol), soulignant par-là combien l’inscription territoriale vertèbre la pratique communautaire.
Comme le théâtre de rue et l’activisme artistique, le théâtre communautaire se pratique surtout dans l'espace public (certains groupes, comme Catalinas Sur et le Circuito Cultural Barracas, disposant toutefois de leur propre salle). Il s’en distingue cependant à deux niveaux au moins. D’une part, il ne svagit pas de créer des compagnies professionnelles autour d'affinités électives et restreintes, mais d’instaurer un processus massif qui engage les habitants (spectateurs et acteurs) dans une construction collective. D’autre part, le théâtre communautaire ne repose pas sur des interventions ponctuelles, mais sur un engagement durable sur un territoire donné. C’est ce qu’Edith Scher, directrice du groupe Matemurga, créé en 2002 dans le quartier de classe moyenne de Villa Crespo à Buenos Aires, appelle le « développement créatif de la communauté2 ». De ce fait, l’implication des membres du groupe dépasse largement celle d'une pratique artistique amateur, puisque les tâches organisationnelles sont prises en charge collectivement, dans une perspective qui fait de l’autogestion une pratique d'émancipation et de capacitation, même si le rôle des meneurs et meneuses de groupe reste important dans l'orchestration générale de ces expériences.
Les groupes argentins sont ouverts à tous : ils rassemblent des habitants de tous âges, origines et niveaux de formation, et se voient comme une « micro-société », selon les mots d'Adhemar Bianchi, faisant du « vivre ensemble » un enjeu de la pratique artistique. Cette dimension inclusive est particulièrement revendiquée par les habitants-acteurs et détermine autant les modes de création que les dramaturgies qui doivent être à même d'intégrer de nouveaux participants, des bébés aux plus anciens, quelles que soient les capacités physiques et cognitives de chacun. Pour autant, l'hétérogénéité sociale est à nuancer puisque la plupart des groupes travaillent dans des milieux populaires ou de classes moyennes (souvent venidas abajo, c'est-à-dire déclassées ou appauvries à la suite du naufrage économique de l'Argentine au tournant des années 2000), mais rarement avec des populations dans une extrême précarité et jamais avec les strates les plus aisées de la société.
L'imaginaire et la mémoire populaires servent de matière première à l'élaboration des récits collectifs qui constituent le fondement de la pratique théâtrale communautaire. En effet, les créations partent toujours de souvenirs, de perceptions, mais aussi de préjugés individuels et collectifs, pour interroger l'histoire, les identités, le rapport au territoire et la vision du monde des habitants du quartier ou du village. Or cette ample frange de la société qui va des milieux populaires à la classe moyenne comprend de nombreux descendants de migrants européens, dans un pays qui a accueilli six millions d'immigrés entre 1880 et 1930 pour une population totale, à l'époque, de 12 millions d'habitants3. L'imaginaire social et la mémoire collective des Argentins sont donc pétris d'Europe, comme le mettent en scène de nombreuses créations du théâtre communautaire. El casamiento de Anita y Mirko du Circuito Cultural Barracas, par exemple, joue des antagonismes entre une famille russe et une famille italienne pour théâtraliser la célébration festive et grotesque d'un mariage auquel les spectateurs sont conviés. De même, le groupe Catalinas Sur propose une vaste fresque historique dans sa trilogie composée par El Fulgor argentino, Venimos de muy lejos et Carpa quemada qui, pour interroger l'identité nationale et les fondements du pacte social, remonte le fil de l'histoire argentine sur plusieurs siècles, jusqu'à la colonisation, sans hésiter à mettre en scène la Révolution française et la révolution industrielle anglaise comme parties prenantes de cette grande épopée généalogique nationale.
Le théâtre communautaire laisse par-là entrevoir une mémoire européenne
populaire, issue des vagues de migration successives, bien distincte
d'un autre type de circulations culturelles : celle des références, plus
légitimées, aux grands théoriciens et praticiens du théâtre occidental
qui se diffusent dans le milieu théâtral argentin tout au long du
Au-delà du mélange des genres, trois principes fondamentaux structurent les dramaturgies communautaires : la polyphonie, la choralité et le lien organique qui s'établit avec l'espace. Les spectacles de Matemurga, tels que La Caravana, Zumba la Risa et Herrido Barrio sont particulièrement révélateurs des deux premiers aspects, tandis que la pièce itinérante du Circuito Los Chicos del Cordel, créée en 1999 et reprise plus tard dans une nouvelle version intitulée Barracas al fondo, illustre bien le troisième en plongeant les spectateurs au sein du quartier populaire de Barracas au travers d'une critique sociale portée sur le ton de l'humour, entre réalité et fiction. Une dernière caractéristique des créations argentines tient à la revendication d'une haute exigence artistique, pour contrer les effets de dévalorisation esthétique que subissent traditionnellement les pratiques amateurs. Le théâtre communautaire se conçoit comme « amateur dans sa conception, mais professionnel dans ses capacités techniques et créatives4 », résume Ricardo Talento.
Le développement du mouvement théâtral communautaire argentin doit beaucoup à l'investissement de certains de ses fondateurs qui ont souvent accompagné l'émergence d'autres groupes, en formant de nouveaux directeurs et de nouvelles directrices ou en aidant à créer les premiers spectacles, endossant ainsi un rôle de passeurs privilégiés. Par ailleurs, le Réseau national de théâtre communautaire, créé au début des années 2000 dans le but de fédérer le mouvement, facilite la mise en contact et le partage d'expériences, notamment lors des rencontres nationales bisannuelles et de la Semaine nationale de théâtre communautaire :
Pendant ces rencontres [...] les voisins-acteurs de toute l'Argentine ont l'occasion de nouer contact et d'échanger sur la situation de leurs groupes respectifs. [...] Les voisins-acteurs découvrent ainsi les spectacles de leurs homologues d'autres quartiers ou d'autres villes, ce qui favorise l'émulation et le développement d'une culture et d'une esthétique théâtrale propres au théâtre communautaire. [...] Ces rencontres comportent aussi des moments dédiés au débat et à la réflexion, au cours desquels les théâtres communautaires mettent en commun leurs expériences et définissent des stratégies d'action. Ces séances de débat sont de véritables instances réflexives [qui] contribuent à la définition d'une cause partagée5.
De même, la consolidation des pratiques théâtrales communautaires en Amérique latine et l'interconnexion entre les acteurs de différents pays doivent beaucoup aux événements internationaux qui polarisent régulièrement les circulations à l'échelle régionale du sous-continent. Au début des années 2000, ces contacts ont d'abord eu lieu dans le cadre de réseaux militants, altermondialistes et/ou travaillant autour de la consigne de « l'art pour la transformation sociale », tels que le Réseau latino-américain de l'art pour la transformation sociale (Red latinoamericana de arte para la transformación social - RLATS) créé en 2003 et analysé par Angela Greco6.
Certaines ONG et fondations ont joué un rôle important dans la consolidation de ces réseaux de militants culturels, que ce soit par l'aide directe à des projets particuliers, par le financement de voyages à des participants ou encore à travers des publications relatant leurs démarches. Citons par exemple la fondation Viva Trust qui a publié Cultura y Transformación social7 (un ouvrage auquel collaborent de nombreux acteurs du théâtre communautaire, dont Adhemar Bianchi), la fondation Rockefeller qui a financé l'ouvrage Haciendo olas. Historias de comunicación participativa para el cambio social8, et surtout la fondation AVINA du milliardaire Stephan Schmidheiny (créateur du World Business Council for Sustainable Development) qui a pendant un temps soutenu, à partir de 2001, les rencontres entre activistes et artistes communautaires de plusieurs pays latino-américains. On peut noter également le concours essentiel du programme brésilien Cultura Viva et du dispositif Pontos de cultura, mis en place en 2004 sous la présidence de Lula da Silva, qui a apporté un soutien public aux pratiques communautaires du pays et, indirectement, contribué à leur mise en relation continentale9.
La volonté d'agir ensemble s'est notamment illustrée lors de la réalisation d'un ambitieux projet collectif : la création du Quijote latinoamericano en 2009 à São Paulo, au centre culturel Arte em construção du groupe de théâtre Pombas Urbanas, auquel participèrent 16 compagnies de théâtre communautaire issues de dix pays (le Brésil, la Colombie, la Bolivie, Cuba, le Guatemala, le Chili, le Pérou, le Mexique, le Salvador et l'Argentine). Écrit par Santiago García et mis en scène par César Badillo du groupe La Candelaria de Bogotá, le projet compta dès le départ avec le soutien de Jorge Blandón et de la Corporación Cultural Nuestra Gente de Medellín, au sein de laquelle l'idée se consolida en 2005. Adhemar Bianchi et Catalinas Sur participèrent à la création de l'œuvre pour l'Argentine. L'événement reçut le soutien des ministères de la Culture brésilien et espagnol. À la suite de cette création se constitue, la même année, le Réseau latino-américain du théâtre en communauté (Red latinoamericana de teatro en comunidad - RLTC), auquel adhère le Réseau national de théâtre communautaire argentin ainsi que d'autres groupes et réseaux nationaux latino-américains. Le RLTC prévoit des rencontres annuelles afin d'articuler les échanges et de promouvoir un soutien mutuel.
Dans une optique similaire est créée (en 2010 à Medellín) la « plateforme pont » (plataforma puente) Cultura Viva Comunitaria qui inaugure le mouvement fédérateur du même nom, dont le premier congrès festif s'est tenu en mai 2013 en Bolivie dans la ville de La Paz (notamment avec le soutien de la fondation HIVOS, mais aussi des pouvoirs publics locaux). Inspiré du programme brésilien Cultura Viva, le mouvement Cultura Viva Comunitaria réunit désormais tous les deux ans plusieurs centaines d'artistes et militants culturels de toute l'Amérique latine dans le but de consolider le paradigme de « l'art pour la transformation sociale ». Ce réseau, déterminant dans la construction et le maintien de liens transnationaux, a contribué à une forte intensification des échanges au cours de la dernière décennie.
Les circulations des groupes argentins s'insèrent dans ce maillage régional qui favorise non seulement des moments de partage collectif multilatéral, mais aussi l'établissement de relations interpersonnelles et affectives qui jouent ensuite un rôle capital dans la consolidation de liens bilatéraux, favorisés par la conjoncture du tournant progressiste de nombreux pays de la région à partir du début des années 2000. En effet, si les grands événements tels que les Rencontres du Réseau latino-américain de théâtre en communauté ou les congrès du mouvement Cultura Viva Comunitaria sont particulièrement attendus, renforçant et enrichissant par cet échange global les convictions et pratiques militantes à l'échelon local, une grande partie des liens et des déplacements se font encore en dehors de ces cadres, par le biais d'invitations personnelles et d'affinités électives.
Plusieurs types de circulation du théâtre communautaire argentin peuvent ainsi être identifiés, souvent induits par des voyages qui, ayant produit un événement marquant et laissé une trace, ont contribué à la diffusion et à l'appropriation par divers acteurs de ses enjeux et de ses méthodes. Quand ce n'est pas un groupe entier qui se déplace pour participer à un festival international, c'est la plupart du temps le directeur ou la directrice d'un groupe reconnu qui voyage. Ces derniers ont souvent à cœur de faire connaître leur pratique, mais aussi de prodiguer des conseils sur les territoires où ils se rendent, voire d'initier ou d'accompagner concrètement des initiatives locales.
Ces initiatives s'incarnent de diverses manières selon les occasions, bien souvent déterminées par la volonté et les moyens des partenaires : de la participation ponctuelle à une table ronde à la tenue d'un atelier théorico-pratique d'une semaine, en passant par de plus classiques conférences ou des master class d'une journée. Ces manifestations peuvent être portées par des mairies, des universités, des fondations ou des ONG, dotées de financements publics ou privés, qui couvrent les besoins des intervenants (transports, frais de bouche, hébergement). Elles peuvent aussi être organisées par des artistes et des militants, souvent moins dotés économiquement, et qui se sont enquis par le biais d'internet du travail de certains protagonistes du théâtre communautaire argentin ou qui les ont rencontrés lors de précédents événements. Les livres et les réseaux sociaux facilitent aussi la connaissance mutuelle et prolongent souvent ces rencontres en permettant de maintenir actives les relations engagées.
Attardons-nous sur l'étude des trajectoires internationales de deux directeurs de groupe argentins, Adhemar Bianchi et Edith Scher, afin de pister au plus près ces circulations.
Parallèlement à la direction du groupe Catalinas Sur, Adhemar Bianchi a été amené à de nombreuses reprises à intervenir dans plusieurs pays d'Amérique latine, aux États-Unis et en Europe.
En 2000 puis en 2010, deux séjours le conduisent à Washington où il collabore avec le groupe Gala Hispanic Theatre : d'abord sous forme d'un atelier de quelques jours qui donne lieu à une petite pièce de théâtre sur le sujet des violences raciales ; ensuite dans le cadre de la création d'un spectacle, [El retablillo de Don Cristobal](https://dctheatrescene.com/2010/04/14/el-retablillo-de-don-cristobal-2/), d'après García Lorca, qu'il dirige avec sa fille Ximena Bianchi et une distribution de comédiens hispanophones, latino-américains et étatsuniens. Ces interventions sont l'occasion de travailler à partir des techniques du théâtre communautaire. Celles-ci gagnent en visibilité lorsque Catalinas Sur se retrouve parmi les finalistes du Prix des Arts Créatifs du World Culture Open en 2004. Adhemar Bianchi se rend à cette occasion à New York, ville où il s'était déjà rendu deux ans plus tôt lorsqu'il fut invité à présenter son projet théâtral, lors d'une conférence à la New School University.
En Amérique latine, dès le début des années 1990, il se rend à deux reprises à Cuba pour travailler avec l'École internationale de théâtre de l'Amérique latine et des Caraïbes. Il y dispense des ateliers de théâtre de groupe, produit deux spectacles avec une communauté locale et contribue à créer un collectif éphémère. On le retrouve à La Havane en 2018 où il intervient pour une rencontre à la Casa de las Américas.
Outre la création collective du Don Quijote latinoamericano en 2009 à São Paulo, il se rend au Brésil à plusieurs reprises, notamment pour participer au Festival national de théâtre amateur (Festival nacional de teatro amador) et à des congrès sur l'éducation des adultes. Du 14 au 17 août 2013, en compagnie d'Andrea Salvemini de Catalinas Sur, il participe à Florianópolis à la IIe Rencontre internationale du théâtre en communautés (Encontro internacional de teatro en comunidades) avec des intervenants du Pérou, d'Angleterre et du Kenya. Il anime des séminaires à l'université d'État de Santa Catarina dans le but de former des groupes de théâtre communautaire par un travail avec des étudiants et des habitants du quartier. En septembre de la même année, il participe avec Ximena Bianchi et Gilda Arteta à la Ve Rencontre communautaire d'art jeune (Encontro comunitário de arte jovem) de São Paulo à l'Institut Pombas Urbanas. Avec l'appui de la fondation AVINA, Adhemar Bianchi dit avoir également voyagé à Rio de Janeiro, Salvador de Bahia et Porto Alegre ; et, au Chili, à Santiago et Valparaiso.
Au Pérou en 2013, il intervient dans un séminaire à l'Université pontificale catholique de Lima et participe à la première Rencontre nationale des Puntos de Cultura (Primer Encuentro nacional de Puntos de Cultura) à Cuzco au cours de laquelle des militants culturels de tout le continent (Bolivie, Costa Rica, Colombie, Brésil, Pérou, Argentine) cherchent à peser sur les politiques culturelles du Pérou, et par extension de leurs pays respectifs.
Il se rend aussi en Colombie à plusieurs reprises. À Medellín, il participe à deux éditions de la Rencontre nationale communautaire de théâtre jeune (Encuentro nacional comunitario de teatro joven) organisé par la Corporación Cultural Nuestra Gente, dirigée par Jorge Blandón, qui l'invite ensuite en 2012 à mettre en scène (en collaboration avec Mónica Rojas) une pièce sur la mémoire du quartier de Santa Cruz où le groupe est implanté. Plus tard, il est aussi invité par le théâtre Esquina Latina de Cali (dirigé par Orlando Cajamarca Castro) pour y donner un séminaire. En 2014, il participe au Costa Rica, dans la capitale San José, au VIe Congrès ibéro-américain de la Culture (Congreso iberoamericano de Cultura) sur le thème « Culturas Vivas Comunitarias » et y présente la trajectoire de Catalinas Sur. Depuis 2018, il renoue avec des activités théâtrales dans son pays natal, l'Uruguay.
En Europe, Adhemar Bianchi voyage en Italie et en Espagne. En Italie, il se rend à plusieurs reprises à Ferrare où il a contribué à créer, en 2006, le Gruppo teatro comunitario di Pontelagoscuro, soutenu par le Teatro Nucleo et le comité associatif Vivere Insieme de la ville de Pontelagoscuro. Il se rend aussi à Ancône où il intervient dans des séminaires et anime sur plusieurs jours un atelier avec l'appui de la coopérative Ponte TraCulture et le relais de la comédienne ElisaPesco qui avait auparavant assisté à Buenos Aires aux activités de Catalinas Sur.
En Espagne, en 2001, il participe avec tout le groupe Catalinas Sur au prestigieux festival du Grec à Barcelone où ils jouent leur spectacle El Fulgor argentino. Il est à nouveau en 2008 à Barcelone, invité par le groupe Forn de teatre Pa'tothom (spécialisé dans le théâtre de l'opprimé) à donner une communication sur le théâtre communautaire dans le cadre de la IVe Rencontre internationale de théâtre et éducation (Trobada internacional de teatre i educació), inaugurée par Augusto Boal en personne, et où participèrent aussi le colombien Orlando Cajamarca Castro et le portugais Hugo Cruz. À Malaga, il est invité par le théâtre El Gato et les autorités locales pour donner une série d'ateliers qui ont réuni plus d'une centaine de personnes. Au vu de son succès, l'expérience est reconduite dans une dizaine de villages d'Andalousie. Il donne aussi une conférence à Madrid à la Universidad Complutense invité par Juan Enrique Mendoza Zazueta, auteur d'une thèse sur le théâtre de rue contemporain dans laquelle il mentionne Catalinas Sur.
Le cas d'Edith Scher, directrice du groupe Matemurga, est tout aussi représentatif de cette vocation à la diffusion de la pratique et de la philosophie du théâtre communautaire argentin.
En 2008, Edith Scher se rend en Uruguay à Montevideo où elle est en contact avec Enrique Permuy, qui dirige alors le groupe de théâtre communautaire Tejanos (aujourd'hui disparu). Ce même groupe recroise la route de Matemurga en 2013 au FITeC (Festival internacional de teatro comunitario) de Montevideo. En 2015, Edith Scher séjourne en Colombie à Medellín au sein de la Corporación Cultural Nuestra Gente, invitée par son directeur Jorge Blandón pour la XXe Rencontre nationale communautaire de théâtre jeune (Encuentro nacional comunitario de teatro joven). Elle y reste trois semaines pour diriger un court spectacle avec des enfants, des jeunes et des adultes. Edith Scher dit avoir connu Jorge Blandón lors de l'une de ses visites à Buenos Aires et raconte que celui-ci avait lu son livre Teatro de vecinos, une synthèse reflétant la richesse du théâtre communautaire en Argentine, publié en 2010. À Medellín, elle fait également la connaissance de Juan González Fiffe, directeur du groupe de théâtre cubain Andante, qui l'invite à venir travailler avec lui. C'est ainsi qu'en 2016, elle se rend à Cuba, dans la ville de Bayamo, et donne un atelier de théâtre à l'occasion des 25 ans du groupe Andante.
Si les contacts entre directeurs et directrices de groupes latino-américains ont lieu principalement en Amérique latine, il arrive parfois qu'ils s'opèrent ou se renforcent aussi sur le territoire européen.
En compagnie d'autres militants du Réseau latino-américain de l'Art pour la Transformation Sociale, Edith Scher se rend en 2009 à Hellerau près de la ville de Dresde en Allemagne, aux Euro-Latin American working sessions : Focus on Art for Social Transformation. Art is a Right, en tant que représentante du Réseau national de théâtre communautaire argentin. Cet événement, financé par la fondation AVINA, réunit des acteurs latino-américains et européens lors d'une série d'ateliers et de conférences. Edith Scher y fait notamment la connaissance d'Iván Nogales, directeur du Teatro Trono bolivien et importante figure du mouvement Cultura Viva Comunitaria, et d'Eugene Van Erven, auteur d'un livre de référence sur les pratiques théâtrales communautaires à l'international10, qui l'invite à participer en 2011 au Festival international des arts communautaires (ICAF) qu'il dirige à Rotterdam.
En Espagne, elle rend visite en 2012 au groupe Aullidos de Otxar de Bilbao dirigé par Arantxa Iurre puis à Madrid, au groupe de Tetuán coordonné par Jorge Cassino avec lequel elle entretient toujours des liens. Dans l'une des « Rencontres de Théâtre Communautaire » (Encuentro de Teatro Comunitario) organisées par l'Université Autonome de Madrid (UAM) depuis 2006, elle donne un atelier auquel participe notamment Arantxa Iurre, ainsi que le portugais Hugo Cruz, dont le travail universitaire, pédagogique et artistique11 est souligné par certains de nos enquêtés.
Au Portugal, plusieurs directeurs de groupes ont participé au festival international MEXE d'« art en communauté » de Porto dont Hugo Cruz est l'organisateur. En 2013, Edith Scher se rend au Portugal sur son invitation et dirige la création d'un spectacle pour le festival international de théâtre de rue Imaginarius à Santa Maria da Feira, événement auquel participe également Eugene Van Erven. En 2018, elle revient au Portugal à la demande d'Hugo Cruz pour participer, cette fois dans la ville de Faro, à une extension du Festival MEXE. Elle y retrouve Miguel Martins Pessoa avec lequel elle était déjà en contact depuis plusieurs années. En effet, celui-ci découvre le théâtre communautaire et réalise une série d'entretiens lors d'un voyage en Argentine en 2013, puis entreprend de mettre en place en 2018 un groupe de théâtre communautaire à Quarteira (à partir de sa compagnie, le colectivo Jat, établie à Faro depuis l'année précédente), le tout avec l'appui et la complicité d'Edith Scher.
Motivés par des raisons à la fois politiques, artistiques et pédagogiques, les voyages des principaux protagonistes du théâtre communautaire argentin suscitent souvent des vocations ou renforcent sur place des projets en germe. Inversement, il est aussi courant de voir des groupes prendre un élan décisif à la suite des voyages réalisés par leurs initiateurs en Argentine. Le cas de l'Espagne est emblématique de cette double dynamique.
En 2009 émerge à Madrid le groupe de Tetuán dans le quartier du même nom. Il est créé par l'acteur, metteur en scène et directeur de théâtre argentin Jorge Cassino, madrilène depuis 30 ans, sous l'impulsion d'un programme (les « Dinamizadores vecinales ») coordonné par la municipalité et les associations de quartier. Ricardo Talento et Edith Scher viennent alors prodiguer leurs conseils au groupe, lequel bénéficie également de l'appui du dramaturge et directeur de théâtre de renom José Sanchis Sinisterra (fondateur du Nuevo Teatro Fronterizo, théâtre et centre culturel établi dans le quartier de Lavapiés à Madrid). Le groupe de Tetuán est composé d'une quinzaine de personnes rassemblées autour d'une association de quartier. Leurs spectacles, basés sur une dramaturgie chorale, abordent des problématiques du territoire saisies dans le temps long d'une histoire riche en immigration latino-américaine. Elles évoquent le chômage, la maltraitance des femmes et le manque d'insertion des jeunes. Le collectif de Tetuán bénéficie d'une modeste subvention et ne dispose pas de local, mais une association du quartier lui prête une salle pour répéter chaque semaine. Bien que le groupe soit selon Jorge Cassino la seule activité culturelle du quartier, celui-ci souligne la difficulté à rassembler durablement une grande quantité de personnes.
En 2012 naît dans le Pays basque le groupe des Aullidos de Otxar dans le quartier de Otxarkoaga à Bilbao. Il est coordonné par la comédienne, dramaturge et metteuse en scène Arantza Iurre, co-directrice de l'espace de création et de formation multidisciplinaire Utopian où elle dispense une formation spécifique de direction en théâtre communautaire. Le groupe des Aullidos de Otxar réunit près de 30 personnes, âgées de 7 à 65 ans, principalement des femmes. Arantza Iurre dit reprendre le modèle argentin, soit un théâtre d'habitants pour les habitants, qui traite du passé du quartier pour éclairer son présent, unissant théâtre et musique. Elle a créé avec son groupe deux spectacles sur l'histoire populaire et migratoire de Otxarkoaga et les conflits sociaux et de genre que le quartier affronte aujourd'hui. Arantza Iurre a fait la connaissance des directrices argentines Mabel Hayes (du groupe Patricios Unido de Pie) et Alejandra Arosteguy (du groupe Cruzavías) à Cadix lors d'une rencontre de metteurs en scène et de dramaturges. Émue par cette découverte, elle a par la suite créé son propre groupe, lu tout ce qu'elle trouvait sur cette pratique et rendu visite en Argentine (avec des membres de son collectif et grâce à une subvention) aux groupes de ces directrices. Elle a aussi reçu à Bilbao Ricardo Talento et Edith Scher qu'elle avait déjà rencontrée à Madrid dans un événement sur le théâtre communautaire.
Enfin, c'est sur l'initiative des collectifs de Saragosse que nous voulons nous attarder. Les groupes de théâtre communautaire des quartiers d'El Gancho et de San José sont respectivement installés dans le centre social communautaire Luis Buñuel et l'espace de la Harinera ZGZ. Les deux groupes, créés en 2015 et 2016, sont rassemblés dans l'association la Imaquinaria qui propose également du théâtre forum et diverses activités culturelles. Sebastián Ramírez, argentin, et Virginia Martínez, espagnole, en sont à l'origine. Grâce à une bourse, cette dernière s'est rendue en Argentine où elle a fait partie plusieurs années de l'équipe de coordination du Circuito Culturas Barracas. C'est là qu'elle a rencontré Sebastián Ramírez, lui-même participant actif du groupe.
Sebastián Ramírez et Virginia Martínez revendiquent explicitement le modèle argentin du théâtre communautaire qu'ils s'efforcent d'expérimenter en Espagne dans une région qui, selon eux, n'a pas la même tradition de coopérativisme et d'associationnisme que le Pays basque ou la Catalogne, où sont implantées des associations telles que les Casals ou le projet de l'Ateneu Popular 9 Barris.
Le succès de leur entreprise aurait été favorisé par le climat d'agitation et de participation citoyenne issu du mouvement des Indignés — dit du « 15 M », en référence à son inauguration le 15 mai 2011 à la suite de la crise économique de 2009 — ainsi que par l'arrivée d'une nouvelle force politique de gauche à la mairie de Saragosse en 2015.
Pour Virginia Martínez, le théâtre communautaire est une réponse aux limites tant socio-économiques qu'artistiques des offres de pratique théâtrale déjà existantes (professionnelles comme amateures), qu'elle juge peu inclusives ou pas assez ambitieuses. Il s'agit ainsi de pallier le faible engagement des artistes dans la vie sociale locale. Quoique le premier spectacle du groupe d'El Gancho se soit produit dans l'important festival Zaragoza Escena, Virginia Martínez souligne la difficulté pour le théâtre communautaire d'être reconnu par le milieu professionnel, aux yeux duquel il reste une pratique de seconde zone parfois même — et paradoxalement — suspectée de le concurrencer. Une fois le groupe implanté, ses promoteurs ont cherché à défendre une pratique singulière par son caractère intergénérationnel et impliquant des groupes nombreux, non vouée à la formation d'acteurs ni à l'imitation des esthétiques d'avant-garde. Leur travail prend notamment la forme de performances itinérantes inspirées par l'histoire des habitants des quartiers d'El Gancho et de San José.
En effet, les groupes de San José et d'El Gancho s'ancrent dès le début dans la dynamique autogestionnaire des espaces au sein desquels ils s'inscrivent et tissent des liens durables avec les diverses organisations de leur territoire (centres de santé, centres éducatifs, associations d'habitants), le tout avec l'appui croissant des pouvoirs publics. Avec d'autres associations artistiques, ils créent le réseau Cuenco de soutien aux initiatives culturelles en communauté et, en coordination avec les autorités locales, ils mettent en place le projet « Barrios Creando, Creando Barrios » pour permettre à ces initiatives de recevoir un financement public.
Par ailleurs, les groupes d'El Gancho et de San José reçoivent à plusieurs reprises la visite et les conseils de membres de Catalinas Sur, mais aussi de Mariana Brodiano, Nestor López et Ricardo Talento du Circuito Cultural Barracas ou encore, comme en 2017, de groupes d'autres pays latino-américains, comme le Teatro Trono de Bolivie et le TNT (Tiempos Nuevos Teatro) du Salvador. Ces visites, permises par le réseau des coordinateurs, ont fait percevoir aux membres des groupes d'El Gancho et de San José à quel point ils étaient engagés dans une dynamique collective « avec de nombreuses autres personnes de plusieurs pays, qui comprennent de la même manière le théâtre comme un outil de transformation de la société pour le bien-vivre », selon les mots de Virginia Martínez.
Les deux fondateurs insistent sur leur parenté avec ces initiatives latino-américaines : s’ils entretiennent avec la plupart d’entre elles des relations, ils déplorent aussi les difficultés matérielles à mettre en place des échanges. Chaque événement auquel ils participent et chaque invitation à laquelle ils répondent est ainsi prétexte à donner un atelier et à parler de leur pratique. En 2017, ils sont par exemple invités par la fondation Kreanta et le programme Zaragoza Activa pour évoquer la question du secteur à but non lucratif, puis à Murcia par la fondation CEPAIM lors de journées organisées sur des projets d'arts de la scène et d'inclusion sociale.
Outre leurs collaborations avec des institutions, comme l’École supérieure d’art dramatique de Gijón, ou leur participation à des événements, comme les Journées de l’art et de l'inclusion sociale organisées par le ministère de la Culture, le British Council et la Casa Encendida, les deux coordinateurs tentent de construire un « réseau de collaboration » avec des entreprises similaires à la leur dans la péninsule ibérique, telles que los Aullidos de Otxar et le groupe de Tetuán. Ils sont par ailleurs en contact régulier avec la compagnie madrilène La Rueda Teatro Social, coordonnée par Fernando Gallego, dont l'activité se centre depuis 2010 autour du théâtre forum et du théâtre de l'opprimé. Cette compagnie a également développé le projet Mosaicos qui travaille avec des habitants sur la mémoire de divers quartiers à partir d'une matière biographique et documentaire, mais sous la forme d'initiatives de courte durée et de façon autodidacte. Virginia Martínez raconte avoir relaté son expérience argentine, ce qui a suscité l'intérêt du groupe, qui s'est ensuite rendu à Buenos Aires pour la semaine du théâtre communautaire en décembre 2019.
Si l'Argentine n'est en aucun cas le berceau ou la matrice des pratiques théâtrales communautaires (dont aucun pays ne saurait se prévaloir)12, elle offre néanmoins, on l'a vu, une porte d'entrée privilégiée pour étudier certaines de leurs circulations. En conclusion sur la nature de ces échanges internationaux et la diffusion du théâtre communautaire argentin, nous pouvons observer que l'élément déclencheur est généralement une rencontre personnelle entre actuels et futurs directeurs ou directrices de groupes et plus rarement, dans un premier temps, entre leurs groupes. Ces rencontres peuvent avoir eu lieu dans le cadre d'événements organisés par les groupes eux-mêmes dans une logique de mutualisation des ressources, souvent à l'appui de divers soutiens publics et privés. Néanmoins, elles se sont pour la plupart d'abord produites dans le cadre de voyages ou de rendez-vous initiés par des fondations privées, puis rendues viables par divers apports de la coopération internationale, de festivals, d'autorités locales et d'institutions culturelles ou universitaires qui ont permis de décupler l'impact de cette diffusion, renforçant par-là même la vocation et l'effort des artistes mobilisés. Cela étant dit, l'intérêt à l'égard du théâtre communautaire n'en demeure pas moins très inconstant et sous-doté, largement soumis au jeu des opportunités et des velléités propres à ces secteurs, faisant encore des militants de cette pratique les premiers et derniers garants de sa continuité et de son essaimage.
Les éléments déterminants pour que perdurent ces nouveaux collectifs principalement inspirés du modèle argentin, tels que ceux qui sont nés en Europe, sont souvent apportés par la visite d'autres groupes de théâtre latino-américains (représentatifs de cette tendance du travail théâtral en communauté) ou par la contribution de figures locales (issues de milieux artistiques ou militants, même quand celles-ci ne sont pas directement impliquées dans des expériences théâtrales communautaires). Le lien établi s'étoffe, par la suite, de trois manières souvent complémentaires : par la découverte d'informations en ligne ou la lecture des livres écrits sur le théâtre communautaire par des chercheurs et chercheuses ou des praticiens et des praticiennes ; par le voyage des directeurs et directrices de groupes en Argentine, parfois avec une partie de leur groupe, pour y découvrir sur place le travail des groupes préexistants ; par la visite des coordinatrices ou coordinateurs argentins à des groupes latino-américains ou européens qu'ils inspirent ou avec lesquels ils collaborent. En dehors de ces rencontres, qui sont souvent des retrouvailles, le lien est maintenu par mail ou via les applications numériques et les réseaux sociaux.
Enfin, les nouveaux groupes parviennent généralement et progressivement à construire une forme d'autonomie grâce à l'intensité de leurs interactions dans l'organisation locale (avec leurs quartiers et les institutions) et une balbutiante articulation nationale et régionale (entre groupes de théâtre communautaire). En outre, ils sont enclins à diffuser à leur tour leurs acquis par l'intermédiaire de rencontres, de présentations de leurs créations, d'ateliers, de cours et de séminaires. Ces efforts peuvent occasionnellement se conjuguer avec la curiosité de chercheurs et de chercheuses, d'associations et d'institutions qui lancent des initiatives, organisent des événements et invitent des acteurs et actrices latino-américains à intervenir sur leurs territoires, comme ce fut le cas dernièrement en France (en 2020 et 2019-2021).
Orlando Aquise, Enrique Arroyo, Adhemar Bianchi, Jorge Blandón, Paloma Carpio, Jorge Cassino, Ernesto Elizondo, Marco Ferreira, Fernando Gallego, Andrés Holguín, Arantxa Iurre, Virginia Martínez, Julio Monge, Miguel Pessoa, Sebastián Ramirez, Edith Scher, Luis Vásquez et Luisa Velásquez.
Edith Scher, Teatro de vecinos: de la comunidad para la comunidad (Buenos Aires: Instituto nacional del Teatro, 2010), 68.
José Luis Moreno, Historia de la familia en el Río de la Plata (Buenos Aires: Editorial Sudamericana, 2004), 184.
Ricardo Talento, « Teatro Comunitario. Reflexión sobre nuestro accionar », Con Fervor, 2019.
Lucie Elgoyhen, Le Théâtre communautaire argentin, Quand les voisins montent sur scène (Paris: Éditions de l'IHEAL, 2016), 136.
Angela Greco, « Teatro comunitario en Argentina y la Red Americana de Arte para el cambio social », Telón de Fondo, no 8 (2008).
Ruben Dario Suarez (et al), Cultura y transformación social (Santiago de Chile: Viva Trust, 2005).
Alfonso Gumucio Dagrón, Haciendo Olas. Historias de comunicación participativa para el cambio social (New York : The Rockefeller Foundation, 2001).
Célio Turino, Puntos de cultura. Cultura viva en movimiento (Buenos Aires : Plataforma puente Cultura Viva Comunitaria, RGC Libros, 2013) et Alexandre Santini, Cultura Viva Comunitaria. Políticas culturales en Brasil y América Latina (Buenos Aires : RGC Libros, 2017).
Eugene Van Erven, Community Theatre: Global Perspectives (Londres, New York: Routledge, 2001).
Chercheur en histoire de l'art, référent sur les questions de création artistique et de participation citoyenne, Hugo Cruz est l’auteur de Arte e Comunidade et coordonne le collectif théâtral Pele à Porto.
Lorenza Coray-Dapretto, Le Théâtre communautaire sud-africain, Au rythme de l'Autre (Paris : L'Harmattan, 1996) ; Dominique Malacort, Une Approche en théâtre communautaire au Québec. Caractéristiques, principes directeurs et mise en lien avec des pratiques du Mali et de Belgique (Laval : Université de Laval, 2016).