Cultural Diplomacy from Propaganda to Soft Power
Either directly or through the non-governmental institutions and actors, states have also played a...
Construire une périodisation susceptible de rendre compte, d'une part, des différents régimes circulatoires dans l'espace atlantique depuis la fin du xixe siècle et, d'autre part, des transformations ou ruptures propres à chaque espace, a représenté un défi majeur dans le cadre du projet Transatlantic Cultures.
En amont, la décennie des années 1770 a été retenue comme le point de départ de la réflexion en ce qu'elle inaugure le cycle des révolutions atlantiques (1776-1830), qui transforment profondément les rapports de force politique entre l'Europe et les Amériques en abolissant l'essentiel des cadres impériaux, mais aussi parce qu'elle correspond à une nette intensification des échanges transatlantiques : échanges économiques d'une part, avec l'ouverture progressive par Madrid du commerce avec le Nouveau Monde espagnol à des ports métropolitains et une forte augmentation du trafic maritime par exemple ; flux de la traite esclavagiste, d'autre part, puisque près de 3 millions d'esclaves sont embarqués depuis l'Afrique vers les Amériques entre 1770 et 1809 au cours de 10 200 traversées de l'océan (contre 2,3 millions et 8 300 traversées entre 1730 et 1769). Jusque vers 1860, tandis que la France et l'Angleterre entament leur expansion coloniale vers l'Afrique, l'Europe du Nord-Ouest, épicentre de la révolution industrielle commençante, affirme sa centralité dans les échanges culturels au moment même où commencer à se conformer un Atlantique de papier — presse, édition, imprimerie — qui connaît son apogée dans la séquence suivante.
Une nouvelle phase débute au tournant des années 1850 et 1860 et correspond à ce qu'il est convenu d'appeler la deuxième mondialisation — après la première étape des xve et xvie siècles — dont l'espace atlantique demeure le centre à défaut d'en être l'unique foyer. La révolution de la vapeur abolit la lenteur des siècles passés, contribue de manière décisive à une « compression des distances » et rend possible, outre un essor inédit du commerce international et de la circulation des biens matériels, la grande vague migratoire depuis l'Europe vers les pays neufs du continent américain (les États-Unis bien sûr, mais aussi l'Argentine, le Brésil, le Canada ou encore le Chili) depuis le début des années 1870 jusqu'à la fin des années 1920 — exception faite des années de la Première Guerre mondiale. La mainmise coloniale de l'Europe sur l'Afrique connaît alors son apogée tandis que le réseau de câbles télégraphiques transocéaniques, initié en 1858 par la liaison entre l'île de Valentia (à l'ouest de l'Irlande) et la baie de Trinity (à l'est de Terre-Neuve), atteint son expansion maximale avant d'être progressivement supplanté par la télégraphie sans fil.
La Grande Guerre marque une nouvelle césure à de nombreux égards. D'une part, elle crée les prémices d'une provincialisation de l'Europe qui va de pair avec l'essor de l'américanisation culturelle. D'autre part, elle correspond à un moment décisif dans le processus de consolidation des cultures de masse qui, bien que connaissant des rythmes différents selon les espaces, ajoute à l'Atlantique de papier un Atlantique radiophonique et cinématographique. Dans l'économie générale des échanges culturels transatlantiques, la rupture est essentielle en ce qu'elle ouvre la voie à la circulation des cultures populaires et à l'instantanéité de la transmission des informations. Le knock-out subi par le boxeur français Georges Carpentier, opposé à Jack Dempsey le 2 juillet 1921 dans le stade Thirty Acres de Jersey City, est non seulement le premier combat de boxe retransmis en direct sur les ondes états-uniennes, mais parvient aussi aux oreilles des Français moins de deux minutes après que leur champion a courbé l'échine.
Enfin, le tournant des années 1950 et 1960 inaugure une dernière phase, celle de la troisième mondialisation qui conduit jusqu'au contemporain. Si le double contexte de guerre froide et de décolonisation entérine de nouvelles hégémonies et de nouvelles dépendances jusqu'à la fin des années 1980, la néo-libéralisation du monde crée plus que jamais les conditions d'une planétarisation des échanges. Surtout, de la démocratisation de l'aviation civile qui ouvre la voie au tourisme de masse jusqu'à la révolution numérique du tournant de siècle en passant par l'avènement de la télévision comme produit de consommation courante, les mutations techniques réduisent encore le temps des circulations culturelles en même temps qu'elles donnent à voir, dès les années 1960, les fondations d'un « village global » — selon l'expression de Marshall McLuhan — qui ne cesse de se consolider depuis. À l'aune de ces mutations, la pertinence de l'espace atlantique comme cadre analytique de la globalisation du dernier demi-siècle mérite d'être interrogée à nouveaux frais.